RPS

La prévention des risques psychosociaux (1)

Les RPS dans les textes de loi

D’abord identifié en tant que stress, qui n’en est qu’une des manifestations, le terme RPS est né au cours des années 2000. Les RPS sont les risques liés à la fois au psychisme d’un individu (dans un collectif de travail) et à sa situation de travail (dans l’organisation du travail). Il n’existe pas de définition officielle de ce terme dans le Code du Travail. Ils font donc partie intégrante des risques au sens « Prévention des risques en entreprise » de l’article L4121-2-3-4-5 du code du travail. Ils sont divers et variés. Ce sont des risques invisibles qui résultent de la rencontre entre les attentes des salariés et leur situation réelle de travail.

Evolution temporelle des RPS dans les textes de loi

Les RPS avant les premières lois de prévention des risques de 1893

Depuis que les relations au travail existent, les RPS, de par leur définition, existent, nous en verrons quelques exemples plus bas. En effet, ces risques font référence au psychisme des travailleurs d’une part (psycho), et au fonctionnement de la société d’autre part (social). Mais la pénibilité physique a peu à peu laissé de la place à la pénibilité psychologique. Le terme de RPS est récent car le travail évolue, les contraintes augmentent, les règles de management changent. Les accords et les lois ont évolué dans le temps.

Laure Léoni précise que, selon Pierre Caloni, Galilée évoquait déjà la fatigue au travail. Charles IX avait instauré une politique de prévention et de réparation des risques en 1566 en constatant de nombreux accidents du travail chez les couvreurs.

En 1700, l’italien Bernardino Ramazzini, dénonce les effets des mauvaises postures et de l’organisation du travail dans son « Traité des maladies des artisans ». Il y évoque même des actions pour lutter contre une usure prématurée.

Le début de l’industrialisation, durant les années 1780, et ses nombreux accidents dans les industries textiles, dus à la méconnaissance et au manque de formation des ouvriers sur les machines, seront le point de départ de la réalisation d’un besoin de loi.
Le rapport Villermé aboutira sur plusieurs textes. Entre 1841 et 1892, des textes de lois concernant le travail des enfants et des femmes voient le jour, sans vraiment être appliqués.
Il faudra attendre 1893 pour qu’un texte concernant l’ensemble des ouvriers voit le jour.

De 1893 à 1991 : l’industrialisation et ses conséquences

C’est la loi du 12 juin 1893, suivie du décret du 10 mars 1894 concernant l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels, qui pour la première fois, oblige les employeurs à protéger l’ensemble des salariés.

Les lois du 09 avril 1898 relatives aux accidents du travail et du 25 octobre 1919 concernant les maladies professionnelles seront le point de départ de la politique de prévention des risques professionnels en France.

Le « Premier Code du Travail et de la prévoyance sociale » a été instauré en 1910 afin de mieux protéger les salariés.

Après la Seconde Guerre Mondiale, la création de la Sécurité Sociale, de la médecine du travail et des Comités d’hygiène et de sécurité dans les entreprises structurent les règlementations concernant la prévention des risques professionnels.

La loi du 6 décembre 1976 pose le principe de l’intégration de la prévention des risques professionnels à l’ensemble des situations de travail, mais également de formation pratique à la sécurité de chaque salarié à son poste de travail.

La directive cadre 89-391-CEE du 12 juin 1989 transposée en France par la loi du 31 décembre 1991, d’où découle l’art.4121-1-2-3-4-5 du Code du travail stipulant « L’employeur prend des mesures nécessaires pour assurer et protéger la sécurité physique et mentale des travailleurs » est maintenant la base de la prévention des risques professionnels, avec notamment, les neuf principes généraux de prévention. Cette loi prend en compte les risques professionnels dans leur globalité.

Toutefois, les études, notamment celles concernant le nombre de jours de travail perdus liés au stress au travail, indiquent qu’il faut prendre des mesures spécifiques de lutte et de prévention contre ce fléau. D’autres textes vont voir le jour.

De 1991 à nos jours : la prise en compte de l’exposition aux RPS

En 1998, la psychiatre Marie-France Hirigoyen explique comment les harceleurs agissent et lance un cri d’alarme afin de protéger les victimes.

Ce sera le point de départ de nombreuses discussions aboutissant à la Loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 de Modernisation Sociale de Lutte contre le harcèlement moral au travail.

Plus particulièrement, l’article L. 122-49 stipule « qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».

Présent à la fois dans le Code du travail et dans le code pénal, le harcèlement moral est désormais un délit, passible de sanctions pénales.

En mars 2008, suite à la vague de suicides qui a frappé les grandes entreprises françaises, en particulier France Télécom à la fin des années 2000, le Ministre du Travail Xavier Bertrand, prononce un discours[2] sur le stress au travail, les conditions de travail et la pénibilité et la lutte contre les risques psycho sociaux dans l’entreprise. Il rend alors publiques les huit propositions de Patrick Légeron et Philippe Nasse, dont le rapport commandé en octobre 2007 suite à la conférence sociale sur les conditions de travail, donne certaines réponses. En effet, ils définissent le stress comme le premier des RPS, dont la définition a été donnée lors des accords cadre européen du 8 octobre 2004.

Ils préconisent, entre autres, la construction d’un indicateur global qui servira à la Direction de l’Animation, de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) pour mener des enquêtes de grande ampleur. Mais les indicateurs de ce rapport ne permettent pas de mesurer les facteurs de risque.

Suivront alors deux rapports, en 2010 et 2011. En 2010, le rapport « sur le bien-être et l’efficacité au travail » aboutira sur 10 propositions pour améliorer la santé psychologique des travailleurs qui seront intégrées dans le Plan Santé au Travail 2010/2014 (PST2). Dans ce rapport, qui s’adressait directement aux entreprises, contrairement aux précédents qui visaient les pouvoirs publics et/ou les partenaires sociaux, on commence à parler de qualité des conditions de travail.

Mais il faudra attendre la publication du rapport Gollac, en 2011, pour démontrer que les facteurs des RPS sont mesurables. Les explications feront l’objet du chapitre suivant.

L’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail étendu par un arrêté du 23 juillet 2010 rend ses dispositions obligatoires pour tous les employeurs et tous les salariés. Les entreprises doivent déclarer clairement que le harcèlement et la violence sur le lieu de travail ne sont pas tolérés. Elles doivent également mettre en place des mesures appropriées de gestion et de prévention.

La prévention des risques professionnels est maintenant pleinement intégrée au système de management en santé et sécurité des entreprises. La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 relative au renforcement de la prévention en santé au travail dans les entreprises (dite loi Santé au travail), transposant l’ANI du 10 décembre 2020 fait suite au rapport sur la santé au travail de la députée Charlotte Lecocq du 28 août 2018. Son rapport recommande de regrouper dans une instance unique l’intégralité des acteurs de la santé au travail afin d’offrir aux entreprises une meilleure lisibilité et un meilleur service en termes de prévention des risques professionnels.

L’article 3 de la loi a pour objectif de renforcer la prévention de la santé au travail, et de mieux responsabiliser l’employeur.

Les services de prévention et de santé au travail sont réorganisés et les médecins du travail, pourront à terme (si l’expérimentation est concluante) prescrire ou renouveler des arrêts de travail, si la santé des salariés est altérée du fait de leur travail.

Concernant les violences au travail, notamment le harcèlement sexuel, cette loi, entrée en vigueur le 31 mars 2022 a étoffé la définition du harcèlement sexuel du code du travail afin de l’aligner à celle du code pénal. L’article L. 1153-1 du code du travail, la définition du harcèlement sexuel vise désormais les propos et comportements à connotation sexiste et intègre la notion de harcèlement de groupe, pouvant être caractérisé indépendamment de l’intention de son auteur.

Quels sont les critères des RPS aujourd’hui

Nous savons qu’il n’existe aucune définition officielle des RPS, ce terme n’existe pas dans le Code du Travail.

Le travail réel, tel que le pratiquent les salariés, ne correspond pas au travail prescrit par l’employeur sur une fiche de poste. Il correspond en fait au travail prescrit et à toutes les régulations que les travailleurs doivent mettre en œuvre pour atteindre le résultat demandé. Afin de faire face aux aléas, les travailleurs peuvent coopérer pour répondre aux exigences de la hiérarchie, ils forment alors un « collectif de travail ». Lorsque ce collectif, pour diverses raisons, ne fonctionne plus, ou que le travailleur ne peut plus faire face aux tâches demandées (le travail prescrit), il se crée un déséquilibre entre le travail réel et les ressources dont le travailleur pense disposer pour les exécuter. Ce point de déséquilibre est source de stress.

Selon le Ministère du travail, les RPS sont définis comme « un risque pour la santé physique et mentale des travailleurs ». Leurs causes sont à rechercher à la fois dans les conditions d’emploi, les facteurs liés à l’organisation du travail et aux relations de travail. Ils peuvent concerner toutes les entreprises quels que soient leur taille et leur secteur d’activité.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) décrit les RPS comme des « risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par une exposition à des conditions d’emploi, des facteurs organisationnels et relationnels en milieu professionnel susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental. »

Selon l’Assurance Maladie, l’expression « risques psychosociaux » (RPS) regroupe généralement des situations de travail où sont présents :

  • Le stress (surcharge de travail, manque de moyens, manque d’autonomie…) ;
  • Les violences internes à l’entreprise (harcèlement, conflit…) ;
  • Les violences externes à l’entreprise (insultes, menaces, agressions, incivilités…).

Le stress : Il n’est pas mentionné dans le code du Travail mais plusieurs cas de jurisprudence y font référence.

Selon Hans Selye, endocrinologue qui est à l’origine de la notion de stress, il existe trois niveaux de stress :

  • Le stress ponctuel (phase d’alarme) : c’est le cas d’une situation où l’individu se sent en danger ou ressent une émotion intense. L’adrénaline, surnommée « hormone du stress », est libérée dans le sang par les glandes surrénales par réactivité au signal de danger, le rythme cardiaque s’accélère.
  • Le stress aigu (phase de résistance) : les « agressions » sont fréquentes et l’individu, pour y faire face, libère du cortisol afin de permettre à tout son organisme de s’adapter. A la différence de l’adrénaline, le cortisol, est libéré quand les situations d’alerte durent.
  • Le stress chronique (phase d’épuisement) : le taux de cortisol ne chute pas dans le sang car les situations de stress sont trop fréquentes et/ou durables. L’organisme est incapable de récupérer, les effets néfastes pour la santé apparaissent : irritabilité, migraines, angoisses, fatigue intense, troubles du comportement…

Les violences internes : il s’agit des violences dont l’auteur fait partie de la même entreprise ou organisation que la victime. Il incombe à la direction d’y mettre fin. Marc Favaro en donne une définition : « Les violences internes au travail regroupent un ensemble d’agirs – physiques, comportementaux ou verbaux – dirigés à l’encontre de personnes, accessoirement d’objets ou d’équipements, à l’initiative d’autres personnes sous l’emprise de situations ou de contextes professionnels dégradés. »

Il les catégorise selon trois critères :

  • Violences physiques (lancement d’objets, rixes) contre violences psychologiques (harcèlement, incivilités, persécution)
  • Violences implicites (harcèlement moral) contre violences explicites (coups, insultes, menaces)
  • Violences personnelles (dirigées contre les personnes) contre violences impersonnelles (violences dites « organisationnelles » du fait de la distance entre le centre décisionnel et la base)

Les violences externes :

Les violences externes sont des violences exercées contre un salarié dans le cadre de son travail par un ou des individus extérieurs à l’entreprise.

Elles peuvent prendre différentes formes : incivilités, menaces, agressions verbales ou physiques, incivilités. Selon la Dares, 31 % des salariés déclarent vivre souvent ou toujours des tensions avec un public L’employeur a une obligation de prévention de la violence externe au titre de la prévention des risques professionnels.

L’exposition à ces risques au travail peut entraîner des conséquences sur la santé des salariés, elles sont nombreuses.

Figure n°1 : Conséquences du stress et des violences au travail sur la santé

Les RPS se traduisent par des troubles psychosociaux, conséquences du risque, mais le terme RPS regroupe à la fois les risques et les troubles psychosociaux.

Ces différentes définitions démontrent que les déterminants sont multiples et renvoient à la vie professionnelle, mais également à la vie personnelle. Ils sont invisibles et trouvent leur origine dans l’organisation du travail.

Les conséquences sont également importantes pour les entreprises. On notera de l’absentéisme, du turn over, une baisse de motivation des salariés et donc des collectifs de travail. La productivité et l’image de l’entreprise seront ainsi dégradées.

Les définitions ayant été données, il convient de préciser que les risques psychosociaux et les troubles psychosociaux sont alors regroupés sous le terme de RPS :

Figure n°2 : Détail des RPS

Depuis la période COVID, le changement des conditions de travail, notamment le télétravail subit et imposé, excluant le salarié de tout contact physique avec ses relations professionnelles, est un élément à prendre en compte dans l’évolution des RPS. Les vagues de licenciements engendrées par les nombreuses fermetures de lieux de travail pendant cette période ne sont pas non plus à négliger.

Les RPS sont la conséquence d’une exposition à des facteurs de RPS, répartis en six dimensions, que nous allons étudier dans le chapitre suivant.